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L'Afrique peut-elle s'unir?
Le 7 avril 1957, Kwame N’krumah, en visite en Côte d’Ivoire, soumet à Houphouët-Boigny son projet des
Etats-Unis d’Afrique résumé dans le tryptique souveraineté politique-indépendance économique-unité
africaine. Il explique que sans une réelle indépendance politique, aucun projet africain de développement
économique et social ne sera applicable sur le long terme. Sans liberté économique, la lutte pour
l’indépendance aura été vaine et tous les efforts consentis voués à l’échec. Et sans une véritable unité
africaine, cette liberté économique se révèlera irréalisable. Rejetant le projet d’une Afrique fédérale,
Houphouët-Boigny préfère s’inscrire dans la communauté franco-africaine prônée par De Gaulle. Il donne
rendez-vous à N’krumah dans 10 ans afin d’évaluer chacune des deux options.
A l’heure du bilan, exaltés par l’essor économique du pays, les Ivoiriens chantent « Le pari est gagné grand
Houphouët-Boigny… Soyez loué grand Houphouët-Boigny… ». Pendant que le Ghana coupe le cordon
ombilical avec la Grande-Bretagne, bat [sa propre] monnaie et entame une longue traversée du désert
avant de renaître.
Au-delà du drame actuel de la Côte d’Ivoire, que Tiken Jah Fakoly chante dans « Le pays va mal », le choix
d’une communauté franco-africaine éloigne les Africains du rêve d’hisser le continent noir au niveau des
Etats-Unis d’Amérique. L’Afrique en termes de population et d’étendue est le second territoire du monde.
Les richesses naturelles inouïes du continent (agricoles, minérales, hydrauliques…) passent pour être
supérieures à celles de n’importe quel autre continent.
Malheureusement, l’assujettissement des pays africains à la défense d’intérêts étrangers a
considérablement affaibli le continent. Quels étaient les intérêts ivoiriens dans les coups d’Etat contre
Kwame N’krumah ou Thomas Sankara ? Que gagnait la Côte d’Ivoire à encourager les guerres du Biafra (1
500 000 morts) ou d’Angola (500 000 morts) ? Loin de l’idéal de l’unité africaine, certains se complaisent
encore dans la balkanisation de l’Afrique, une véritable poudrière destinée à exploser dès la moindre
étincelle.
Non, le pari n’était pas gagné, il était perdu d’avance. Et la communauté franco-africaine que [François-
Xavier] Verschave a nommée la “Françafrique” et que d’autres appellent la “France à fric” doit être un
lointain souvenir.
En 1963, la conférence de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) à Addis-Abeba a vu l’Afrique de la
coopération d’Houphouët-Boigny prendre le dessus sur les Etats-Unis d’Afrique prônés par N’krumah. Ce
printemps 2011, l’histoire se répète à Addis-Abeba. L’Afrique doit, cette fois, briser le cycle infernal de la
division et de la soumission. Et refuser que l’Afrique de Blaise Compaoré prenne le pas sur celle de Jacob
Zuma.
Les Africains n’ont plus le choix, ils doivent s’unir ou accepter de mourir à petit feu.
Anicet Djéhoury @ Le blog d’Anicet Djéhoury.
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